Dakar, 12 juin 2025 â Dans une dĂ©cision trĂšs attendue, la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal a ordonnĂ© ce jeudi la suspension de la mesure de cessation de parution visant le mĂ©dia Public SN, dirigĂ© par la journaliste AĂŻssatou Diop Fall. Une victoire symbolique pour la libertĂ© de la presse face Ă une sĂ©rie de mesures jugĂ©es abusives par une partie du secteur mĂ©diatique.
âïž Une bataille juridique contre le ministĂšre de la Communication
Tout commence le 25 avril 2025, lorsque le ministĂšre de la Communication, sous la direction dâAlioune Sall, notifie Ă AĂŻssatou Diop Fall un arrĂȘtĂ© lui enjoignant de mettre fin aux activitĂ©s de ses supports : Public.sn, Le Public et Public SN TV. Ce coup dâarrĂȘt faisait partie dâune campagne de « mise en conformitĂ© » qui avait ciblĂ© une dizaine dâautres mĂ©dias.

ConsidĂ©rant cette dĂ©cision comme « illĂ©gale et arbitraire », la journaliste avait saisi la Cour suprĂȘme avec lâaide de son avocat, Me Abdou Dialy Kane, en dĂ©posant un recours pour excĂšs de pouvoir.
â Le juge donne raison Ă Public SN
AprĂšs plusieurs mois de procĂ©dures, le verdict tombe : la suspension de lâarrĂȘtĂ© ministĂ©riel est prononcĂ©e. Lâinformation a Ă©tĂ© confirmĂ©e ce jeudi par Me Kane, qui annonce que la version Ă©crite de la dĂ©cision sera rendue publique dans les prochains jours.
đ° Un revers pour le ministĂšre, une bouffĂ©e dâoxygĂšne pour la presse
Cette dĂ©cision remet en cause la lĂ©gitimitĂ© des arrĂȘtĂ©s pris par le ministĂšre de la Communication depuis plusieurs mois. Pour Mamadou Ibra Kane, prĂ©sident du Conseil des Ă©diteurs et diffuseurs de presse du SĂ©nĂ©gal (CDEPS), tous les actes posĂ©s jusque-lĂ , y compris la liste « officielle » des mĂ©dias reconnus, deviennent juridiquement fragiles.
đ Un secteur sous pression et au bord de lâasphyxie
Cette affaire intervient dans un contexte difficile pour la presse sĂ©nĂ©galaise. Depuis la pandĂ©mie de Covid-19, les entreprises de presse font face Ă de graves difficultĂ©s Ă©conomiques. La « suspension » de plusieurs mĂ©dias nâa fait quâempirer la situation, entraĂźnant des licenciements massifs et des fermetures.
Le 13 aoĂ»t 2024, une journĂ©e sans presse avait Ă©tĂ© observĂ©e Ă lâappel du CDEPS, en guise de protestation contre la politique du ministĂšre.
đ La Constitution au cĆur du dĂ©bat
Au centre de cette affaire, un point de droit fondamental : la libertĂ© de crĂ©ation dâun mĂ©dia. Selon lâarticle 11 de la Constitution sĂ©nĂ©galaise, « la crĂ©ation dâun organe de presse est libre et nâest soumise Ă aucune autorisation prĂ©alable ». La Cour suprĂȘme semble avoir confortĂ© cette interprĂ©tation.
đ€ Un appel au dialogue relancĂ©
MalgrĂ© cette victoire, les tensions entre le gouvernement et les acteurs de la presse demeurent. Le CDEPS appelle Ă un dialogue « rĂ©novĂ© » avec les autoritĂ©s. Un vĆu dĂ©jĂ exprimĂ© par le prĂ©sident Bassirou Diomaye Faye dĂšs aoĂ»t 2024, mais qui peine encore Ă se concrĂ©tiser.
« Une presse libre et indépendante est le pilier de toute démocratie solide », rappelait récemment Mamadou Ibra Kane.